Les Marocains peuvent-ils vivre sans bonnes ?

Dans presque tous les foyers on en trouve. Seule différence avec le passé : elles ont des horaires de travail plus «normaux». Travail des parents, existence d’enfants en bas à¢ge, habitudes culturelles : pour les Marocains, la bonne est nécessaire. Pourtant, il faut que les mentalités évoluent.

Une femme de ménage à la maison, un mal nécessaire encore de nos jours ? Il semble que c’est bien le cas, en dépit des mutations sociales et économiques qu’a connues la société marocaine ces dix dernières années. Et peut-être encore plus qu’auparavant ! Aujourd’hui, l’homme et la femme travaillent tous deux et ont du mal à gérer les contraintes des tâches ménagères, sinon au prix d’un stress permanent. Recruter une femme de ménage pour s’occuper du rangement, de la vaisselle et du nettoyage n’est pas un luxe, c’est même une nécessité, déclarent nombre de couples interrogés. «Beaucoup de femmes n’auraient pas connu la réussite professionnelle qu’elles ont s’il n’y avait pas eu de femmes de ménage. Elles nous ont permis de nous libérer de la maison pour travailler», avait lancé un jour, à qui voulait l’entendre, la sociologue Soumaya Naâmane Guessous, qui, tout en étant du côté des droits de la femme, assume sans complexe le fait d’avoir une femme de ménage chez elle pour mieux se consacrer à son travail comme enseignante, sociologue et chercheuse. Ceux qui ont les moyens, quelles que soient leurs convictions idéologiques, imbus ou non des valeurs égalitaires, embauchent chez eux une femme de ménage, à qui ils confient également la garde des enfants en bas âge, en plus du reste.

Travail ou pas, les Marocains, au cours des 50 dernières années, se sont habitués à avoir une bonne à la maison, même quand la femme ne travaille pas. Un fait encouragé par le développement d’un marché des petites bonnes, fillettes placées par leur parents ruraux, pauvres, chez des familles urbaines, en vue d’arrondir leur fins de mois, tout en ayant une bouche de moins à nourrir. 

«Quand j’étais gosse, je me rappelle que nous avions toujours eu une petite bonne ou une femme de ménage à la maison, nous étions 6 enfants et mes parents travaillaient tous les deux. Elle habitait carrément avec nous, et n’avait même pas un jour de repos hebdomadaire. Idem pour tous nos voisins. Peut-être à cette époque, engager une femme de ménage était plus facile et ne coûtait pas aussi cher que maintenant. Je me rappelle que son salaire ne dépassait pas 250 dirhams par mois». C’est ce qu’avoue Abdellah C., quarante ans, cadre dans une entreprise privée, aujourd’hui marié ayant deux enfants. Ses cinq frères et sœurs participaient-ils au ménage, rangeaient-ils au moins leurs chambres ? «Les garçons, jamais. Mes deux sœurs aidaient un peu en cuisine et faisaient de temps en temps la vaisselle quand la “bonne” était absente ou malade», enchaîne-t-il. 

On est, là, dans les années 70 et 80 du siècle dernier. Qu’en est-il en 2011 ? La demande est toujours là. «Ma  femme et moi travaillons, nous avons deux enfants, de 3 ans et de 8 mois. Au début nous engagions une femme de ménage d’une façon quotidienne, mais jamais elle ne passait la nuit, et jamais nous ne lui permettions de s’occuper des enfants. C’est la sœur à ma femme qui s’en charge en notre absence. La bonne s’occupe du ménage uniquement. Salaire : 450 DH par semaine. Nous l’engageons maintenant trois fois par semaine à raison de 150 DH par jour». Notre interlocuteur tient à préciser qu’au moment du recrutement, toutes les candidates prétendent savoir tout faire : vaisselle, cuisine, repassage, serpillière…, or ce n’est pas toujours vrai. «Nous sommes prêts à mettre le prix, pourvu qu’elles soient qualifiées. En plus elles sont toutes des voleuses. Et des allumeuses. Je les ai plusieurs fois surprises en train de déboutonner leur chemise au moment précis où je rentrais du travail».

Moins virulent est Z.A., cadre dans le privé, la quarantaine également qui estime que l’on trouve de tout sur le marché. «L’époque des petites bonne est révolue. Aujourd’hui, en milieu rural, les parents sont conscients de l’importance de la scolarisation et préfèrent donc que leur filles s’instruisent. Même culturellement, aujourd’hui, on conçoit mal qu’une enfant de 10 ou 12 ans soit au service d’une famille avec un horizon limité à la servitude. Résultat, heureux d’ailleurs, aujourd’hui on s’adresse à des femmes de ménage adultes. Et, là, on trouve de tout. Des femmes sérieuses à celles qui ne cherchent qu’à encaisser un salaire, sans pour autant faire un travail correct. Il faut en moyenne 2 000 DH par mois pour une femme de ménage, qui vient le matin à 7h30 et quitte à 18h. L’important c’est le sérieux et dans ce métier c’est quand même rare.» 

Deux femmes de ménage : une pour les tâches ménagères et l’autre pour la garde des enfants

La femme de ménage devient encore plus nécessaire que par le passé, surtout pour les couples qui ont des enfants en bas âge, et qui n’ont d’autres choix pour aller travailler et gagner leur vie que de les laisser sous l’œil (vigilant ou distrait) d’une femme de ménage. C’est moins le côté ménage que la «garde des enfants» qui les intéresse dans ce cas. «Il nous arrivait quand nos deux enfants étaient bébés de les laisser avec une femme de ménage qu’on venait tout juste de recruter en remplacement d’une autre qui nous a quittés sans préavis», avoue ce directeur de société. Certains en engagent même deux, quand les enfants  sont encore petits : une pour les tâches ménagères, et une autre pour la garde des enfants. 

D’autres optent pour un autre choix, comme c’est le cas de Atika B. : «Maintenant que mes deux enfants ont grandi, notre femme de ménage ne vient plus que le jour, de 8h30 à 13 heures. Elle est payée à 1300 DH par mois, sans compter l’argent du transport et autres pourboires, et elle bénéficie de deux jours de repos par semaine (vendredi et dimanche). Je reconnais qu’elle fait tout, et même des plats succulents. Ça m’arrange, cela me permet le soir de faire les devoirs avec les enfants ou d’assouvir mon amour pour la lecture». 

Le besoin est toujours là, des deux côtés, employeur et employée. La seule différence avec le passé, estime le sociologue Ahmed Al Motamassik, est que «dans certains milieux imbus de valeurs humaines et d’égalité, on leur accorde plus de droits et on les traite humainement. L’homme et la femme travaillent à l’extérieur, et ils ont besoin d’aide à la maison pour faire le ménage, voire la cuisine. Nombre de couples se contentent d’engager une femme de ménage deux ou trois fois par semaine, ou toute la semaine mais seulement la jourrée. Avec un salaire journalier, hebdomadaire ou mensuel qui peut parfois dépasser le Smig».

Mais, là encore, tout est question de situation financière, de mode de vie et aussi, et surtout, de proximité des parents. «Quand notre fils était en bas âge, nous n’avions pas ce problème de bonne car ma mère habite à 10 minutes de chez nous. Alors quand la bonne ne revient pas, on se rabat sur la solution familiale», se réjouit Saïda. S. qui explique avoir été maintes fois obligée de recourir à sa mère. Aujourd’hui, certes, elle ne souffre plus de ce problème de manière aussi crue mais avoue qu’elle ne peut toujours pas se passer de la bonne. « Je travaille en continu et mon mari également. Or il faut que les enfants, en  sortant de l’école à midi, mangent, changent de vêtements parfois, prennent leur affaires scolaires… qui va s’occuper d’eux pendant ce temps. Qui va leur réchauffer leur repas ?», questionne-t-elle ? 

De fait, même avec des enfants plus âgés, les Marocains continuent à exprimer le besoin d’avoir une bonne. A cela autre raison : on n’apprend pas aux enfants à être autonomes, à ranger eux-mêmes leur chambre, à réchauffer un plat, ou à laver leur verre et leur assiette… Pire : les enfants, en présence d’une femme de ménage permanente chez eux, ne lèvent pas le petit doigt, c’est la dame qui doit tout faire, et cette sorte d’«esclavagisme» les arrange ; les parents non plus ne font aucun effort pour apprendre à leurs enfants de compter sur eux-mêmes. 

Or, il faudra bien que tout cela change un jour ou l’autre, à l’instar de ce qui se passe dans les pays développés. Attention, avertit Chakib Guessous, sociologue, auteur de plusieurs enquêtes sur le travail des enfants au Maroc («L’exploitation de l’innocence, le travail des enfants au Maroc», Ed. Eddif, 2000), dont les petites filles de moins de 15 ans engagées dans un travail domestique. Dans vingt ans, met-il en garde, «la situation changera, il faut préparer ses enfants dès maintenant. Nous serons comme en Europe, la main-d’œuvre ménagère deviendra chère, on ne disposera plus de femmes de ménage à volonté, et à des prix dérisoires en cours actuellement. Déjà, les prémices du changement se font sentir. Plusieurs couples n’engagent une femme de ménage qu’une ou deux fois par semaine, et il y a cette loi adoptée récemment en conseil de gouvernement qui donne beaucoup de droits aux femmes de ménage». 

Le sociologue fait allusion au projet de loi adopté le 12 octobre 2011 en conseil de gouvernement sur le travail domestique et qui inclut aussi les femmes de ménage. Lequel projet oblige l’employeur à engager sa femme de ménage avec contrat de travail, déclaration à la CNSS, congé hebdomadaire, indemnité en cas de licenciement et un salaire minimum (voir encadré). Immanquablement cette loi fera changer quelques mauvaises habitudes, érigera la femme de ménage au statut de salariée à laquelle on devra respect et considération, et fera aussi grimper les prix. Cependant, elle «ne fera pas changer du jour au lendemain les mentalités des Marocains vis-à-vis de ce type d’employés, au statut socialement et culturellement inférieur, qu’on voudrait corvéables à volonté. D’ailleurs, si la demande est encore forte, l’offre reste aussi abondante en raison de la pauvreté et des conditions économiques vulnérables de larges couches de la population», nuance le sociologue Ahmed Al Motamassik. 

Demain, une bonne payée à l’heure et pour une prestation définie à l’avance

Les mentalités ? C’est le talon d’Achille de dizaines de lois votées par le Parlement et non (ou très mal) appliquées. Le code de la famille et le code du travail entrés en vigueur il y a plus de sept ans en sont deux illustrations évidentes. Mariage des mineures et non paiement de la pension alimentaire dans le premier cas ; travail des enfants de moins de 15 ans, non-déclaration à la CNSS, et SMIG non respecté dans le deuxième cas. Le projet de loi sur le travail domestique lui-même interdit le travail des petites filles de moins de 15 ans. Tout en ajoutant que l’emploi des jeunes filles âgées de 15 à 18 ans «est soumis à l’autorisation des parents». Le texte fixe aussi les conditions de travail à respecter avec réaménagement des heures de travail. Mais tout cela sera-t-il réellement respecté quand la loi verra le jour ? Une chose est sûre : des fillettes en âge de scolarité corvéables à merci dans les maisons, il en existe toujours (voir encadré). D’ailleurs une prochaine enquête nationale sur le phénomène diligentée par le ministère du développement social et de la famille, sous la supervision du HCP, livrera ses secrets une fois ladite enquête bouclée. C’est le même Chakib Guessous qui en a la charge. A priori, révèle ce dernier, le nombre des petites bonnes dans les maisons est en diminution, ne serait-ce qu’en raison de la généralisation de la scolarité jusqu’à l’âge de 12 – 13 ans. 

Des filles de 7 et 8 ans comme bonnes dans des maisons, on en voit de moins en moins. Notre sociologue souligne autre chose que l’enquête révélera : «C’est l’offre qui a changé, on n’est plus dans la configuration de pères et de mères venant de la campagne pour livrer leurs petites filles à l’univers du travail domestique dans les villes. Mais la demande est toujours là : on préfère les filles aux femmes de ménage adultes, elles sont moins chères, et parce que la maîtresse de maison se méfie toujours de ces dernières, on ne sait jamais, elles peuvent voler leurs maris». Une chose est sûre, le projet de loi sur le travail domestique adopté en faveur des femmes de ménage en tant que personnel de maison (cuisinier,  chauffeur, jardinier…) sera une avancée notable. Cependant, ce projet de loi (avantage ou inconvénient?) ne fixe pas le SMIG pour cette catégorie d’employés, mais la moitié seulement. Une avancée, certes, encore faut-il que les mentalités changent, et que le projet de loi soit voté par le prochain Parlement.

En attendant, et comme, l’estime Z. A., le Maroc est bel et bien en train d’évoluer vers une mutation du statut et de la condition de la femme de ménage. «Nous vivons les dernières années du statut de bonne, au sens où l’entend la société marocaine, celle que l’on fait travailler 14 à 15 heures par jour, sans que cela ne paraisse anormal. Dans quelques années, le marché se spécialisera en métiers ; on aura des femmes de ménage, qui rangeront la maison mais ne feront pas la vaisselle ; celles spécialisée dans le grand ménage que l’on fait une fois par an ; celles qui s’orienteront vers le baby sitting… Et les prix vont aller crescendo. On paie déjà la demi-journée, demain on paiera l’heure de travail et nous serons obligés de nous adapter à des prestataires qui se professionnaliseront. Etre bonne sera un vrai travail», pronostique-t-il. Les Marocains pourront-ils un jour s’adapter à cette donne ? Ils n’ont pas trop le choix.

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